Perpignan / palais de justice : une modification du plan de sauvegarde contestable

Une enquête publique est en cours (jusqu’au 13 juillet) en vue de modifier ponctuellement le Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du Site patrimonial remarquable (SPR) de Perpignan.

Il s’agit de créer un sous-secteur, dérogatoire, pour permettre l’extension du palais de justice sur la dalle Arago.

Ce qui est préoccupant dans cette affaire, c’est que la modification entend répondre, en fait, aux désidératas du ministère de la justice qui souhaite un bâtiment “compact”, en hauteur. C’est cela qui conduit à la modification, alors que le PSMV en vigueur pouvait permettre l’extension. Le PSMV n’est pas là pour s’adapter aux projets, mais l’inverse. A ce rythme on pourrait multiplier à foison les sous-secteurs dérogatoires.

 

Chacun peut consulter le dossier en ligne sur le lien : http://www.pyrenees-orientales.gouv.fr/Publications/Enquetes-publiques-et-autres-procedures/Modification-n-1-du-PSMV-du-site-patrimonial-remarquable-de-Perpignan

Chaque Perpignanais peut faire part de ses observations au commissaire-enquêteur, sur le registre, par courrier, ou par mail : pref-modifpsmvperpignan@pyrenees-orientales.gouv.fr

 

Pour ma part, voici le texte que j’ai adressé au commissaire-enquêteur:

 

” Observations de Jean-Bernard Mathon, président de l’ASPAHR.

 

Cette modification vise à créer un sous-secteur USb 1, avec son propre règlement d’urbanisme qui dérogerait à celui du secteur USb, afin de restructurer l’îlot Arago (communément appelé “dalle Arago”), en vue de l’extension du palais de justice.

D’une manière générale, il n’est pas concevable que, pour répondre à des projets, l’ on modifie le PSMV, que l’on crée des exceptions  et que l’on multiplie les sous-secteurs. C’est la conception même du PSMV qui est ainsi remise en cause.

Le dossier de modification omet de préciser les vraies raisons qui visent à la création du sous-secteur USb 1. En fait, cette modification répond à un cahier des charges édicté par le ministère de la justice, et on demande au PSMV de s’adapter, alors que règlementairement s’est l’inverse qui doit se produire. J’ai appris lors de la réunion de la commission locale du Site patrimonial remarquable (CLSPR), dont je suis membre, que le ministère de la justice exigeait une surface de plancher minimal (3000 m2, je crois) et que l’extension du palais de justice devrait se faire dans l’optique d’un édifice compact, avec un minimum d’emprise au sol, donc en élévation. Ce qui explique qu’un des point les plus importants de la modification porte sur les hauteurs des constructions nouvelles.

 

Les côtes de hauteur, dans le dossier de modification, sont imprécises. Ainsi, pour la façade principale du palais de justice sont indiquées à la fois les hauteurs à l’égout et les hauteurs ngf, et il s’agit des hauteurs sous toitures, alors que pour la façade nord ne sont indiquées que les hauteurs ngf en haut des toitures. Ceci ne permet pas de se faire une idée précise de l’impact des hauteurs définies dans le projet de règlement.

Le palais de justice actuel constitue par lui-même une entité spécifique et son extension ne devrait pas  altérer son style. Or dans le projet de modification -et pour répondre aux vœux du ministère de la justice- on ne prend pas comme hauteur de référence le palais de justice mais les bâtiments avoisinants. C’est ainsi que, pour l’extension, on choisit, côté Nord, de s’aligner sur la hauteur du Palais consulaire (soit 48 m ngf), alors que la hauteur de la façade du palais de justice culmine à 42,52 m. Si le projet était adopté, nous aurions une rupture de continuité de la façade nord avec un nouveau bâtiment dépassant de 6 mètres, avec possibilité de 3 mètres supplémentaires (en retrait de 3 m).

Le problème est le même côté sud où la référence de hauteur choisie est le centre d’art contemporain. Si le règlement proposé pour les hauteurs était adopté, le palais de justice historique se verrait incrusté dans des constructions plus hautes le jouxtant.

D’une manière générale, les règles volumétriques doivent prendre comme référence l’actuel palais de justice et non les bâtiments environnants.

 

Autres observations :

– Article 9 : on ne comprend pas l’introduction de l’autorisation de saillies et de retraits;

– Article 11 : on ne comprend pas l’autorisation donnée de déposer des éléments à caractère patrimonial. Les éléments à caractère patrimonial doivent être conserver à leur place, là où ils ont un sens et non déplacés, ou être réemployés ailleurs. C’est la porte ouverte au démembrement des décors et structures de l’actuel palmais de justice.

 

– Articles 11.1.6 à 11.1.10 : les nouvelles formulations sont vagues, trop imprécises et sont la porte ouverte à des interprétations (“ces prescriptions peuvent faire l’objet d’adaptations …”). En particulier le seul escalier bois d’origine doit être conservé et non supprimé.

– Articles 11.2.3 et 11.3.2 : mêmes remarques que ci-dessus.

 

En conclusion : il est indispensable de revoir les hauteurs autorisées pour les constructions neuves (article 10 du règlement) afin de préserver l’unité architecturale du palais de justice historique et sa mise en valeur, et d’être beaucoup plus rigoureux dans le règlement concernant les modifications autorisées sur celui-ci., cet édifice étant classé en catégorie 5 au PSMV, donc sa modification ou son altération sont interdites. L’extension du palais de justice doit être envisagée avec une plus grande emprise au sol pour éviter de nouvelles constructions en hauteur ; la dalle Arago se prête à ce type d’aménagement.

 

Fait à Perpignan, le 08 juillet 2018

Jean-Bernard Mathon

Président de l’ASPAHR (Association de sauvegarde du patrimoine artistique et historique roussillonnais). ”

 

 

 

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