Projet de piste cyclable de la Basse

Vous trouverez ci-dessous la contribution de l’ASPAHR à l’enquête publique sur le projet de piste cyclable le long des quais de la Basse, à Perpignan
Sous des aspects séduisants et avec la ressource du vocabulaire technique contemporain, le projet de piste cyclable sur les quais de la Basse décrit dans le dossier soumis à l’enquête est en fait un projet nuisible à la qualité de l’espace urbain perpignanais et à la jouissance que ses habitantes et ses habitants peuvent en avoir.
En effet, les quais de la Basse (Vassa) dans leur aménagement actuel qui, pour n’être pas très ancien (début du XXe siècle), n’en est pas moins solidement installé comme une des composantes de l’image de la ville, sont avant tout un jardin, un élément paysager. Cet élément traverse le centre ville d’est en ouest, peut être suivi du regard depuis les deux rives et depuis les nombreux ponts qui franchissent la rivière et ses rives.
Perpignanrivierebasse
Ce jardin a deux caractères principaux : d’une part, il est situé en contrebas du sol urbain où l’on circule, ce qui donne aux promeneurs ou à tous ceux qui empruntent les quais une vision surplombante de cet espace, qui est végétalisé de façon artistique, en tout cas relative à l’art des jardins, selon les projets des jardiniers successifs de la ville au fil des années. Signataire de ces lignes, j’ai vu l’évolution du jardin, dans ses compositions de plates-bandes végétales et florales, depuis environ cinquante ans, témoigner de bien des modes en la matière, mais toujours avec une intention artistique et aussi écologique, en ce qui concerne le choix et l’association des végétaux. Il est aussi un refuge urbain pour les insectes, y compris les pollinisateurs.
D’autre part, cet espace est inaccessible au public : cet espace en contrebas n’est pas foulé aux pieds, il n’est pas parcouru, il n’est pas « pratiqué » (comme dit le dossier de présentation). Il a ainsi le caractère d’un petit « sanctuaire » dédié seulement aux combinaisons végétales et florales, aux insectes, aux oiseaux et à la présence de l’eau, qui se donne seulement à voir, déroulant sa poésie selon les cheminements que l’on a depuis les quais hauts.
La basse affluent de la Têt à Perpignan panorama
C’est ainsi un espace d’un type rare, un jardin qui n’est « qu’à regarder » et, d’ailleurs, qui constitue objectivement une partie de la signature paysagère de la ville, de son image même. Abondantes sont les vues iconiques de Perpignan présentant le Castillet ou le Palmarium avec au premier plan les jardins des quais de la Basse, ou l’enfilade de ces quais eux-mêmes, fleuris au printemps.
Transformer ces jardins en piste cyclable va irrémédiablement détruire cette image de la ville et altérer la qualité de l’espace urbain. En effet, transformer cet endroit en un espace ouvert et circulable, avec chaussée bétonnée, aménagements divers nécessairement induits (poubelles, bancs, gardes-corps, etc.) va lui ôter son caractère singulier, le banaliser. L’importance des travaux nécessaires pour les passages sous les ponts, les dénivellations, les accès, vont totalement compromettre le caractère actuel de cet espace. Ce projet peut avoir sa cohérence, mais il faut savoir ce que l’on détruit. L’espace des quais de la Basse est rare (quelle autre ville, proche ou lointaine, possède une « coulée jardinée » de cette sorte au travers de son centre ville ?) et précieux, il devrait être conservé, voire amélioré partout où ce serait possible. Il ne doit pas être détruit.
A l’heure où la loi elle-même demande à cesser l’artificialisation des sols, voilà qu’un espace de pleine terre réservé, sinon à la nature, du moins à l’art des jardins, est promis à l’artificialisation, par la création d’une voie et des aménagements qui lui sont liés. Les quais de la Basse sont un endroit jusqu’ici préservé, situé au cœur de la ville mais non soumis à la pression d’utilisation : cela devrait être considéré comme un capital, et non comme un espace de plus à artificialiser, à étancher et revêtir, à aménager, à utiliser à toute force, à consommer, à commercialiser peut-être.
Castillet Perpignan
Enfin, dernier mot : la piste cyclable me paraît être un bon prétexte ! Certes, pour faire face aux changements nécessaires induits par la crise climatique, il faut développer les déplacement doux : c’est un grand paradoxe que de les développer au détriment d’un espace paysager, élément de qualité de l’espace urbain ! Si les déplacements doux doivent gagner en surface, il faut que ce soit en redistribuant l’espace disponible entre les différents usages de circulation —c’est un véritable enjeu—, mais pas en sacrifiant le capital paysager de la ville !

 

2 réflexions au sujet de « Projet de piste cyclable de la Basse »

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