MADELEINE SOUCHE (1942-2024)
Madeleine Souche (née Bertrand), une Cévenole du Vigan (Gard) où elle était née en 1942, était d’une famille protestante issue d’Avèze, un village près de cette petite ville. Elle possédait une maison à Avèze où elle aimait se rendre à la fois pour se ressourcer, renouer avec ses racines « parpaillotes » dans cette région austère et magnifique. Elle y trouvait le calme pour mettre en forme le fruit de ses recherches historiques.
Née à une époque où l’agrégation d’Histoire était interdite aux femmes, elle fut reçue à celle d’Histoire-Géographie. Nous ignorons où elle commença sa carrière professionnelle. Personnellement, je l’ai connue dans la seconde moitié des années 1970 lorsqu’elle occupait un poste d’Histoire-Géographie au collège « Albert-Camus » de Perpignan. J’avais sympathisé avec elle et nous avions, depuis, maintenu des liens autres que professionnels (syndicalisme, recherche historique, randonnées montagnardes). Elle fut ensuite mutée (années 1980) dans la « maison » d’à côté, le lycée « Jean-Lurçat ». Je l’y ai retrouvée lorsque j’ai occupé à plusieurs reprises des postes provisoires dans cet établissement, puis un poste définitif à partir de 1995. À la rentrée de 1996, elle fut en plus de son service à Lurçat, chargée de cours à l’université de Perpignan. En 1999, elle devint à temps plein PRAG (professeure agrégée chargée de cours universitaires) mais non (statutairement) de recherches, ce qui ne l’empêcha nullement de se consacrer aussi assidument à cette activité. Elle prit sa retraite en 2004 (2005 ou 2006 ? La date reste à vérifier car ses connaissances et amis ont des opinions différentes sur ce sujet).
Madeleine n’a pas attendu sa retraite pour devenir une chercheuse chevronnée. Les Cévennes, la Catalogne du Nord, le protestantisme méridional furent ses principaux domaines de recherches historiques. Pour les Cévennes, nous noterons parmi ses publications : L’établissement de Cauvalat. Avèze, Gard. Des thermes au sanatorium militaire belge au XIX et au XX siècle, Nîmes Lacour Rediviva, 2010 ; L’industrie des pierres lithographiques dans le Gard et l’Hérault du XIXe au XXe siècle. Une industrie disparue, Nîmes, Lacour/ Rediviva, 2019, en collaboration avec Bernard Martin ; « Des églises cévenoles dans la Grande Guerre », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, vol. 160, janvier-mars 2014 ; « Chantiers de jeunesse. Le groupement 18 Assas », Le lien des chercheurs cévenols, numéro 71 hors-série, 2019. Nous remarquons qu’elle faisait partie du comité de rédaction de cette revue.
Dans les Pyrénées-Orientales, elle participa à la rédaction dans plusieurs revues comme Domitia (université de Perpignan), Le Midi Rouge (association Maitron Languedoc-Roussillon) où elle fit le compte-rendu d’ouvrages. En 1998, Madeleine Souche fonda l’Association pour la promotion de l’histoire des Pyrénées-Orientales (APHPO) qu’elle présida et anima, entreprenant une tâche au long cours, la divulgation des recherches historiques les plus récentes, universitaires ou non. Elle organisa des conférences, des expositions (d’archives en particulier) et des colloques. Le dernier en date (novembre 2020), traita des Aperçus de la presse roussillonnaise. Diversité et mutations 1870-2020. Les archives départementales des Pyrénées-Orientales et Les Publications de l’Olivier avaient collaboré à son organisation. Parmi les publications consacrées à notre département, nous signalons plus particulièrement : « La minorité protestante des Pyrénées-Orientales d’après les registres du XIXe siècle », Domitia, 4, 2003, p. 83-120 (avec Edwige Praca) ; « Industrie métallurgique et protestantisme dans les Pyrénées-Orientales : l’exemple des sociétés Holtzer à Ria (1827-1886) », Domitia, 5, 2004, p.73-107 ; Le pasteur Verdier de Collioure. La Retirada et les camps 1939-1944, Perpignan, APHPO/CREC, 2011 ; « Les collégiens de Perpignan, journalistes de la Grande Guerre (1916-1917) », Perpignan pendant la Première Guerre mondiale, Tours, Éditions Sutton, 2018, p. 175-184 ; « La presse des anciens combattants des Pyrénées-Orientales dans l’entre-deux-guerres. Gardiens de la mémoire des morts, survivants solidaires et pacifistes », dans les Actes du 4e colloque de l’APHPO, coord. Gérard Bonet, Marie Landelle, Madeleine Souche, Aperçus de la presse roussillonnaise. Diversités et mutations, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2020 p. 161-187. Enfin, en 2018, elle avait intégré le comité de rédaction du Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises (Publications de l’Olivier) et, en février 2022, le comité de pilotage de la version numérique de cet ouvrage par les Publications de l’Olivier.
Historienne du protestantisme méridional, Madeleine Souche soutint en 2009, sous la direction de Patrick Cabanel – grand spécialiste de l’histoire du protestantisme français et des minorités religieuse, enseignant de l’université de Toulouse-Jean Jaurès de 1999 à 2015, puis directeur d’études à l’École pratique des hautes études en sciences sociales – et Patrick Cabanel, une thèse de doctorat, Le drapeau de l’évangile. L’évangélisation protestante dans le Midi de la France : évangélisation et réveil, (1870-1914. Elle publia aussi des notices biographiques (dont certaines concernent les Pyrénées-Orientales) pour le Dictionnaire biographique des protestants français de 1789 à nos jours (dir. Philippe Cabanel & André Encrevé), Paris, Éditions de Pris Marc Chaleil, tome 1, 2015 ; tome 2, 2020 ; tome 3, 2022.
Madeleine Souche a été présente aux côtés de l’ASPAHR, notamment lors de deux actions : elle a animé, au printemps 2019, avec notre appui un combat contre la désaffectation du temple réformé implanté dans le même bâtiment que la Bourse du travail de Perpignan. C’était le seul lieu de culte protestant des Pyrénées-Orientales concerné par la loi de 1905 (séparation des Églises et de l’État). Visé par le projet de transformation du bâtiment, propriété de la ville, en bibliothèque universitaire, par la précédente municipalité (présidée par Jean-Marc Pujol), il fallait que le préfet en demandât la désaffectation à la requête du conseil presbytéral de l’Église affectataire. La majorité de celui-ci était d’accord pour satisfaire la municipalité. Mais la minorité de cette instance dont Madeleine était une des animatrices a mené avec pugnacité, avec l’ASPAHR, un combat – qui fut perdu – contre ce projet destructeur du principal lieu de mémoire du protestantisme dans notre département. Résidante de Château-Roussillon, elle fut aussi aux côtés de l’ASPAHR lorsque la municipalité de M. Pujol voulut, en 2018-2019, faire modifier le PLU communal afin d’implanter à proximité de ce hameau, par ailleurs lieu patrimonial, un « parc à thèmes » destiné à procurer des profits à son promoteur. Il s’agissait de supprimer 18 ha de zone agricole et naturelle (la ceinture verte de Perpignan) pour aménager un site hôtelier haut de gamme à proximité du site de Ruscino. L’enquête publique qui nous donna raison permit à M. Pujol d’enterrer ce projet.
Nous occulterions une autre facette des engagements de Madeleine Souche si nous n’évoquions pas son engagement syndical. Femme de gauche, elle fut une militante très active du SNES (Syndicat des enseignants du second degré, FEN puis FSU). Elle fut S1 (secrétaire de la section d’établissement) au collège Albert Camus et au lycée Jean Lurçat de Perpignan et siégea au S2 (direction de la section départementale de ce syndicat) des Pyrénées-Orientales. Je me souviens qu’avec elle (et d’autres) nous fûmes aux premières loges du congrès national de la FEN à Perpignan (1992). La FEN connut la scission qui donna naissance à l’UNSA et à la FSU. Le SNES passa en bloc à la FSU dont le congrès constitutif eut lieu à Perpignan, au cinéma Le Castillet, moment intense auquel nous prîmes part avec d’autres militants locaux. Madeleine fut également une militante assidue du SNES (FSU) de Jean-Lurçat dont la section fut particulièrement en pointe lors de la grande grève de 1995. Autre moment intense au cours duquel se renforcent les liens d’amitié.
J’ai aussi connu son mari Claude, compagnon de randonnées en montagne avec qui j’ai eu, dans ces moments, l’occasion d’avoir quelques passionnantes discussions. Lui aussi était un homme engagé. Je m’associe à l’ASPAHR pour lui présenter, ainsi qu’à son fils Guilhem, mes condoléances.
Les obsèques auront lieu le 2 mai 2024 au temple protestant d’Avèze (Gard).
André Balent