Communiqué de l’ASPAHR :
Le pic du Canigou classé « zone agricole » ? Un tour de passe-passe qui dissimule un développement de l’urbanisation au détriment des espaces agricoles et du paysage.
Le PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) valant SCOT (schéma de cohérence territoriale) de la communauté de communes Canigó-Conflent récemment adopté a classé l’immense majorité des territoires montagnards d’altitude supra-forestiers (pelouses, éboulis, barres rocheuses, zones humides) en zones agricoles (A). Dans les autres documents de notre région ces territoires ont toujours été classés en zones naturelles (N), comme dans les documents du même type concernant le reste des Pyrénées, le Massif Central, les Alpes, la Corse, le Jura, la Réunion …
La communauté Canigó-Conflent innove donc, en créant une nouvelle catégorie (A2) pour ces territoires d’altitude… Ce document d’urbanisme aujourd’hui contesté devant le tribunal administratif par plusieurs associations (dont l’ASPAHR ne fait pas partie) risque, s’il est définitivement adopté, de faire jurisprudence.
Au prétexte d’inclure en zone « A » les pelouses d’altitude utilisées comme estives lors des transhumances (de juin à octobre), on a pris pour base les périmètres des Associations foncières pastorales qui englobent aussi des éboulis, des falaises, des zones humides, des crêtes délimitant des bassins hydrographiques et même des forêts relevant du régime domanial. Les sommets du Canigou, du Madres, du pic del Gegant, point culminant (2881 m) dans le massif de la Carançà sont donc désormais « zone agricole ». Cela n’a pas de sens. La classification, logique, en zone naturelle (N) n’exclut absolument pas l’activité pastorale saisonnière. Elle met à égalité les éleveurs avec d’autres usagers de ces espaces, en particulier ceux qui se livrent à des activités sportives comme la randonnée, mais aussi ceux qui observent ou suivent scientifiquement le milieu naturel. Devenus zone A, ces espaces auront donc, désormais, un utilisateur privilégié (voire exclusif) qui pourra faire prévaloir ses vues sur la gestion de ces espaces aussi fragiles que riches en biodiversité.
L’instigateur de ce précédent est la Chambre d’Agriculture. La section « élevage » de cet organisme, en liaison avec son homologue de l’Ariège, a trouvé ce subterfuge pour avoir, probablement, son mot à dire sur la présence éventuelle des grands prédateurs (l’ours et le loup), pourtant protégés par la Convention de Berne, un accord international signé par la France. Plus grave, elle a négocié avec un certain nombre de communes, en amont du PLUI, cette requalification en zone A des espaces d’altitude contre l’abandon de parcelles agricoles, le plus souvent de haute valeur agronomique, mais situées à proximité immédiate des villages. Celles-ci passent de A en AU (« zones à urbaniser ») ! C’est un choix absolument à contre-courant de ce qu’il faut faire, par exemple à Codalet avec des conséquences paysagères non loin d’un site classé, l’abbaye Saint-Michel de Cuxa, ou à Catllar, autour du Mas Riquer, Monument historique, où la transformation de prés de fauche en lotissements va définitivement noyer dans la continuité urbaine ce secteur autrefois pittoresque. L’ouverture à l’urbanisation de ces parcelles à l’occasion de la transformation des documents d’urbanisme existants en PLUI aurait constitué une réduction sensible des espaces agricoles, si ce n’était le véritable « tour de passe-passe » qui a transformé en zones agricoles tous les espaces naturels de haute montagne !
Les zones A de l’actuelle communauté de communes représentaient, avant le PLUI, un peu plus de 5 000 hectares soit près de 7% du territoire et les zones N plus de 70 000 hectares soit plus de 90%. Dans le PLUI, les zones agricoles (A) représentent 44 053,76 ha (56,07 %) et les zones N 33 333, 22 ha (42,12 %). On mesure là l’ampleur du changement !
L’ASPAHR pense que ce document, dangereux par les perspectives qu’il suggère, est susceptible de faire jurisprudence pour de futurs autres documents intercommunaux (établissement ou révision). Bientôt viendra le PLUI du Haut Vallespir (vallée du Tech, Costabona, versant sud du Canigou). Il n’y a pas de raison, si le zonage de Conflent-Canigó est entériné, que l’on ne propose pas la même chose pour ce futur document. Et ce précédent peut aussi faire jurisprudence au-delà des seules Pyrénées-Orientales.