La borne implantée à la frontière franco-espagnole au bord de la route reliant Latour-de-Carol à Puigcerdà (CD 34) à été retirée récemment et remplacée par une borne nouvelle, sur un terrain propriété du département (et de la commune de Puigcerdà, puisque situé sur la frontière, et, aussi sur un chemin communal de Puigcerdà qui prolonge le CD 34 en territoire espagnol. Elle eétait de ce fait propriété indivise du département des Pyrénées-Orientales et le commune de Puigcerdà).
Cette borne en granit était située à la frontière, sur le territoire de la commune d’Enveitg. Elle avait été érigée à l’occasion du traité de Bayonne, signé en 1866 entre la France et l’Espagne afin de délimiter exactement la frontière et de prévoir l’implantation de bornes (en ce qui concerne les Pyrénées-Orientales, l’abornement définitif n’a cependant été déterminé en 1868 que dans un acte additionnel au traité). Toutefois la borne qui a été remplacée ne faisait pas partie des bornes numérotées jalonnant la ligne frontière. Indiquant en mètres la distance séparant la frontière d’une part de Puigcerdà et d’autre part de Latour-de-Carol , elle avait une tout autre fonction (toujours actuelle). Bien plus monumentale que les bornes frontière, les textes gravés sur les deux côtés l’étaient selon la technique traditionnelle que l’on retrouve par exemple sur les linteaux monumentaux des fermes cerdanes.
La borne qui l’a remplacée récemment est certes en granit, mais il nous paraît contraire à l’Histoire le fait qu’elle porte la date de 1866 alors qu’elle a été érigée en 2017. Il s’agit d’un faux historique. De plus sa fonction n’est plus la même puisque à la place de distances ont été gravés les deux blasons des communes d’Enveitg et de Puigcerdà.
Suite aux recherches effectuées par l’ASPAHR, nous pouvons préciser que la borne retirée, datant de 1866, est une borne milliaire, dont il est fait état dans l’acte additionnel du 11 juillet 1868 au traité de Bayonne relatif à l’abornement. En effet, la borne milliaire dont il est question est évoquée dans cet acte diplomatique pour apporter des précisions sur l’emplacement de la borne frontière. La borne déplacée n’est pas une borne frontière, mais la proximité de la borne n° 467 a amené les négociateurs à l’évoquer et à donner ses dimensions exactes (225 cm de hauteur). Etant mentionnée dans un acte diplomatique, cette borne n’avait pas à être subtilisée et remplacée par une autre qui n’est pas milliaire sans l’avis de la commission des Pyrénées (franco-espagnole) mise en place en 1875 pour l’exécution des textes de 1866 et 1868, seule habilitée à décider de modifications.
Cette borne de 1866 ayant un intérêt patrimonial et historique nous demandons à ce qu’elle soit remise à sa place après une nécessaire restauration.
Nous avons appris qu’elle avait été transférée, dans le courant du mois d’août au musée de Puigcerdà. Le conservateur du musée n’a pas été mis au courant du déplacement de la borne et de son transport au musée par les autorités compétentes. Nous ignorons qui a décidé son dépôt dans ce lieu. Remarquons simplement qu’il l’ a été après nos premières démarches, au mois d’août, alors que le changement de bornes s’est effectué à la fin juin ou au début juillet.
Les actions de l’ASPAHR :
– Courriers, le 19 juillet 2017, à Madame la Présidente du Conseil départemental et à Monsieur le maire d’Enveitg, pour leur demander des explications sur la substitution / remplacement de la borne de 1866, sa localisation actuelle, sa restauration et sa remise en place sur son lieu d’origine.
– Courrier, le 01 août 2017, à Monsieur le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (cette borne étant mentionnée dans un acte diplomatique), pour lui demander d’intervenir pour la restitution, restauration et remise en place de la borne de 1866
Les réponses obtenues :
– lettre de Monsieur le maire d’Enveitg, le 29 août 2017, expliquant que la borne de 1866 est déposée au musée de Puigcerda ; le retrait et le remplacement de la borne 1866 serait liée à une demande de la mairie de Puigcerda.
– Lettre de Monsieur le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, le 07 septembre 2017, nous faisant savoir que cette question étant du ressort de la préfecture de Pyrénées-Orientales et de son délégué à l’abornement il transmet notre demande au Préfet des P-O.
Conclusion provisoire :
L’ASPAHR attend de connaître la décision du préfet du département, mais continuera quoiqu’il en soit à exiger la restauration de la borne de 1866 et sa remise en place. Cette borne n’a pas sa place dans un musée mais là où elle a un sens historique.
Documents :
Article de l’acte diplomatique de 1868 concernant la borne 467 (en français et en espagnol) :
467. Formant un angle de 112 degrés, et à la distance de 172 mètres, on a élevé une borne au bord oriental du chemin de Puycerda à La Tour-de-Carol, en face d’une pierre miliaire de 2 mètres 25 centimètres de haut qui est de l’autre côté du chemin.
467. Formando un ángulo de 112 grados, á la distancia de 172 metros, se erigió un pilar en el borde oriental del camino de Puigcerdá á La tour de Carol, enfrente de una piedra miliaria de 2 metros y 25 centímetros de alto, que está al otro lado del camino.
Clichés :
Fig. 1 : borne frontière n°467
Fig. 2 : Borne de 1866, vandalisée, avant son enlèvement, recto.
Fig. 3 : Borne de 1866, vandalisée, avant son enlèvement, verso.
Fig. 4 : Borne frontière 467 (à droite) et nouvelle borne installée en 2017 (à gauche), remplaçant la borne milliaire de 1866.
Nous ajoutons à cet article ces deux photographies prises par André Balent en 1979 avec ce commentaire daté du 29 mars 2018 :
“La borne milliaire de la Vignole érigée à la frontière en 1866 sur la route de Latour-de-Carol à Puigcerdà. Elle a été scellée l’année de la signature du traité de Bayonne, délimitant et abornant la frontière entre l’Andorre et la Méditerranée. Elle n’est pas une borne frontière. Celles-ci ont été installées en 1868 après la signature de l’acte additif à ce traité. Ces photographies prises le 9 décembre 1979 montrant la borne, intacte sans les modifications er déprédations constatées à partir de 1988.”