L’annonce vient d’en être faite dans la presse, sans même que le conseil municipal en ait été saisi : l’Office de tourisme (OT) va quitter la Loge de mer.
Cet édifice majeur de Perpignan, construit au début du XVe siècle pour abriter le consulat de mer, a connu bien des vicissitudes. Transformé en théâtre par le comte de Mailly en 1752, il fut sauvé de la démolition un siècle après pour être requalifié en restaurant (le Café de France) jusqu’en 2017, non s’en “s’être noyé dans un océan de Ketchup” (dixit J-M. Pujol) de 1984 à 2001 (épisode Quick). En 1998, la ville le reprend pour y installer l’OT, “nouveau vaisseau amiral” de la politique touristique (dixit le président de l’OT), moyennant 920 000 € de travaux, auxquels s’ajoute le rachat du bail commercial pour 250 000 €.
L’Office du tourisme va se réinstaller au Palmarium, d’où il a été évincé il y a 7 ans. Il faudra ajouter une facture de 100 000 € environ pour ce transfert. La Loge de mer se retrouve sans utilisation. L’ASPAHR ne peut rester indifférente à l’usage de ce bâtiment emblématique de Perpignan. L’ASPAHR demande que s’ouvre une large concertation, notamment avec les acteurs du patrimoine, de la culture, de l’économie pour proposer et décider de son affectation et éviter les errements et le gâchis passés. Sans attendre, l’ASPAHR ouvre le débat sur son site internet.
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Alors que la loge sera bientôt fermée, il n’est peut-être pas mauvais de rappeler le destin de cet édifice.
Construit pour être le siège du Consulat de Mer, créé en 1388 par le comte-roi Jean 1er et dernier des consulats de mer catalans après Barcelone, Valence et Majorque, l’édifice originel, réalisé de 1397 à 1439 (environ) n’était que la moitié (partie orientale) de la loge que nous connaissons aujourd’hui. Il fut doublé en longueur en 1540, sous Charles-Quint, en reproduisant fidèlement la façade primitive. Le Consulat de Mer était un tribunal, jugeant de tous les litiges commerciaux, tant terrestres que maritimes. Il percevait également le periatge, sorte de droit de douane frappant toutes les marchandises qui entraient ou sortaient des Comtés, dont le produit a servi, entre autres, à la construction de la loge. L’institution et l’édifice qui l’abritait personnifiait l’activité commerciale méditerranéenne de la ville, restée très importante jusqu’au début du XVIe siècle. Les consuls de mer, choisis parmi les mercaders, ou grand marchands de Perpignan, étaient renouvelés chaque année.

La loge comportait une grande salle au rez-de-chaussée, divisée en deux par une file d’arcades et couverte d’un magnifique plafond ouvragé, doré et polychrome. Il s’y trouvait également une chapelle, dont le retable est aujourd’hui au Musée Rigaud. A l’étage, d’autres salles pour les audiences et le secrétariat.
Au XVIIIe siècle, l’institution ayant perdu beaucoup de son prestige et de son activité, l’édifice fut cédé, sur sa demande, au comte de Mailly, commandant en chef de la province, qui y fit aménager un théâtre en 1752. Pour cela, on démolit tout l’intérieur, les arcades, le plafond et la chapelle dont le retable fut porté à Saint-Jacques. Un bâtiment de service, abritant les loges des comédiens fut élevé contre la façade est, sur la rue des Marchands.
Après la Révolution, on aménagea un nouveau théâtre, plus grand, dans les dépendances de l’ancien couvent des Jésuites : c’est l’actuel « Théâtre Jordi Pere Cerdà », place de la République, qui n’est d’ailleurs plus un théâtre depuis la municipalité Pujol. La Loge s’en trouva désaffectée et le théâtre qui s’y trouvait démoli. Elle fut alors utilisée pour diverses activités, entre autres comme dépôt de messageries : on y entreposait et triait les colis ou marchandises que les diligences livraient dans la région.

En 1841, le maire de Perpignan, Guiraud de Saint-Marsal, fit restaurer la Loge, contre l’avis de certains conseillers qui auraient préféré la démolir. Il fit rétablir un plancher intermédiaire entre les deux niveaux, le rez-de-chaussée étant destiné à être loué : c’est ainsi que naquit le Café de France, qui a disparu en 2018. Lors des travaux, on suréleva légèrement les façades et on accentua l’aspect de « loge » du rez-de-chaussée, en transformant ses baies en arcades ouvertes jusqu’au sol : auparavant, seule une sur deux se présentait ainsi. Elles reçurent de somptueuses menuiseries néo-gothiques, supprimées en 1951.
En 2018, après cent-soixante-dix-sept ans d’existence, le Café de France (transformé en fast-food, cependant, entre 1984 et 2001) a cédé la place à l’Office du tourisme, qui a présent quitte la loge. Quel avenir pour ce bâtiment, l’un des plus emblématiques de Perpignan ?
La seule et vraie question est : la Loge de Mer peut-elle retrouver une vitalité, une attractivité dans le centre ville ? Y installer l’office du tourisme était-il une bonne idée ? L’échec d’aujourd’hui semble démontrer que non. D’autre part, le prestige architectural et historique de la Loge ne mérite-t-il pas mieux ?
On imagine un lieu ouvert, vivant, où il se passe toujours quelque chose, à l’image d’une ancienne « loge » commerciale où se rencontraient en permanence marchands, armateurs de bateaux, acheteurs et vendeurs de produits raffinés, venant d’Orient ou de plus loin encore…
Ne faudrait-il pas, cette fois, consulter les perpignanais, et en priorité leurs forces vives, pour faire cette fois le « bon choix » ?
Les acteurs culturels, les associations, les musiciens, les artistes n’ont-ils rien à dire ou à proposer ? La loge pourrait redevenir un « cœur battant » de la ville, à condition d’être ouverte à beaucoup d’initiatives, d’accueillir largement et gratuitement les acteurs culturels. Encore faut-il les laisser s’exprimer.
Il revient sans doute à une association comme l’ASPAHR de le proposer. Vous pouvez vous aussi participer en laissant un commentaire sur la page facebook de l’ASPAHR ou ci-dessous, après la galerie d’images.
Pour tout le Pays, il me semble essentiel que ce témoignage architectural et patrimonial soit conservé pour l’usage culturel .
Et pourquoi pas installer une bibliothèque de quartier dans la Loge de Mer, en plein centre ville ? Ce serait un équipement culturel profitable et garant d’une certaine animation.